Sur la Troisième vague évangélique…

 

Bonnke

Voici une proposition d’article envoyée au journal Réforme. Ils devaient le publier « très prochainement » (d’après un mail début septembre). Le point de départ de l’article était la venue du prédicateur Reinhard Bonnke, superstar en Afrique qui est son terrain de prédilection. Ses grands rassemblements dépassent souvent le million de personnes. Et oui, il n’y a pas que le pape qui attire les foules… 

Le samedi 28 juin 2008, le palais des congrès de Montreuil accueillait l’évangéliste allemand Reinhard Bonnke dans le cadre de sa croisade « Full Flame ». Ce dernier, s’est rendu mondialement célèbre par ses grands rassemblements en Afrique qui dépassent régulièrement le million de visiteurs.

La visite de Reinhard Bonnke en France (la première) est l’occasion de rappeler que la venue d’évangélistes « star » est devenue relativement courante dans le paysage évangélique français. Si Billy Graham avait ouvert la voie en en remplissant Bercy en 1986, cela fait maintenant quelques années que des grands noms de la prédication à l’échelle mondiale visitent la France. Les derniers en date étaient T. L. Osborn en 2006, Benny Hinn en 2007 et Bonnke cette année. En dehors du fait que ces derniers déplacent les foules, ils ont pour point commun d’incarner chacun à leur manière un évangélisme qui invite les fidèles à croire en la puissance de l’Esprit, puissance se traduisant par des « miracles et des prodiges » (les fameux « signs and wonders ») dans la vie du croyant. « Le Christianisme sans le surnaturel est une coquille de noix vide » clamait ainsi Reinhard Bonnke à Montreuil.

L’organisation en France de telles manifestations témoigne de l’évolution contemporaine du paysage évangélique mondial en général, et français en particulier. Les observateurs de l’univers évangélique et pentecôtiste mettent en avant les mutations  rapides de ce courant dont les contours apparaissent parfois difficilement saisissables. Au cours du siècle dernier, le Pentecôtisme a été marqué par trois phases ou « Trois grandes vagues de l’Esprit Saint » pour reprendre la terminologie du théologien évangélique Peter Wagner (dans son ouvrage The Third Wave of the Holy Spirit paru en 1986) : la 1ère vague correspond au Réveil de l’ « Azusa Street » et a donné naissance aux grandes dénominations pentecôtistes, comme les Assemblées de Dieu ; la seconde vague se situe dans les années 1960 avec le « Renouveau Charismatique » dans les Eglises historiques ainsi qu’au sein de l’Eglise catholique (le concile Vatican 2 fit beaucoup pour intégrer pleinement ce Renouveau au sein de l’Eglise). Enfin, la troisième vague, débute à la fin des années 1970 et se caractérise par l’émergence de mouvements et d’églises non dénominationelles. Si la terminologie fait débat, certains auteurs utilisent les termes de « néopentecôtisme » et « néocharismatiques » pour des mouvements issus de cette vague. Pour autant ce troisième moment s’enracine fortement dans la tradition pentecôtiste et lui emprunte nombre d’éléments. Par exemple, l’usage systématique des médias de masse et plus largement de la culture populaire a été préfiguré par Oral Roberts (né en 1918), un des premiers « télévangélistes ».

Du point de vue du chercheur en sciences sociales la nouveauté de ces groupes tient en grande partie au contexte global dans lesquels ils s’insèrent, à leur mode d’organisation et à leur diffusion à l’échelle du globe. La littérature scientifique sur le sujet met en avant la coïncidence entre l’expansion et le renforcement de ces églises et une phase nouvelle dans le processus de mondialisation. Celle-ci se caractérise par l’usage intensifs des moyens de communications électroniques (notamment Internet) et repose sur un mode d’organisation transnational souple. Ces deux éléments sont au cœur des stratégies des églises issues de la Troisième vague. Internet permet une diffusion instantanée des messages délivrés (il est souvent possible de visionner ou de télécharger les vidéos des enseignements) et l’absence d’attache dénominationnelle donne de la souplesse au processus de diffusion, même si le temps faisant, les églises ont une tendance à s’apparenter à des « dénominations » quand elles gagnent en ampleur.

Si les Etats-Unis ont incontestablement joué un rôle essentiel dans l’émergence de cette « Vague », les Eglises ne sont pas exclusivement d’origine nord-américaine. Les continents africain (le Nigéria et le Ghana constituent aujourd’hui le cœur du pentecôtisme africain), sud-américain (au Brésil) ou encore asiatique (en Corée du Sud) ont vu émergé de vastes mouvement d’origine locale. En France, la Troisième vague se diffuse à la faveur d’églises créées dans les deux dernières décennies, notamment par des entrepreneurs religieux d’origines étrangère. Ces structures nouvelles n’appartenant souvent à aucune fédération ou organisation, soucieuses de leur indépendance, semblent parfois isolées à l’échelon local. Pourtant, certaines d’entre elles parviennent à s’insérer dans des réseaux religieux mondialisés transnationaux, établissant davantage de contacts avec des églises sur un autre continent qu’avec les églises situées dans la même commune. De ce point de vue, les responsables perçoivent l’intérêt de se situer à une échelle globale, et se soucient finalement assez peu de s’inscrire dans une tradition protestante française ou francophone.

Comme sur les autres continents, les églises appartenant à cette Troisième vague reste en France un phénomène localisé dans les grandes métropoles( rappelant au passage que la culture pentecôtiste est fondamentalement urbaine) et plus particulièrement dans l’agglomération parisienne. Le département de Seine-Saint-Denis constitue par exemple un espace très riche en ce qui concerne cette Troisième vague. On y trouve des grandes églises non dénominationnelles comme Paris Centre Chrétien (La Courneuve) ou Charisma (Saint-Denis) ou  des églises d’origine nigériane (la Redeemed Christian Church of God à Saint-Denis) ou ghanéenne (comme la Church of Pentecost  à Saint-Denis également). S’il est encore trop tôt pour dresser un bilan à moyen terme de la tendance néopentecôtiste et de son impact dans le paysage évangélique français, il serait hasardeux de n’y voir qu’un phénomène périphérique : ce serait en effet oublier, qu’en matière religieuse, c’est souvent de la marge que vient la nouveauté.

5 réflexions au sujet de « Sur la Troisième vague évangélique… »

  1. Effectivement, c’est très intéressant. Je me demande pourquoi les médias ne parlent que très rarement de ce genre de personnages.
    Merci pour ce site.

  2. Ping : Baptiste Coulmont » Liste de choses (14)

  3. Bonjour,

    Je découvre votre site avec intérêt. Une petite remarque à propos de R. Bonnke : ce n’est pas sa première visite en France. Je l’ai vu prêcher le 20 janvier 1991 à La Mission du Plein Evangile – La Porte Ouverte Chrétienne de Mulhouse…

    • Merci pour ce point de détail. J’avoue que je ne suivais pas encore l’actualité évangélique et pentecôtiste en 1991. Je trouve intéressant que ce prêche ait eu lieu à La Porte Ouverte, une des premières « megachurch » à la française.

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