En photo: M. Harper aime les chatons.
Le titre de ce post est celui d’un documentaire diffusé le 10 février sur la chaine publique canadienne francophone RDI, dans le cadre de l’émission Enquêtes (le documentaire peut être visionné sur le site de RDI, mais je ne suis pas certain qu’il soit accessible depuis la France). Le sujet du documentaire était la présence à Ottawa de lobbyistes chrétiens évangéliques qui profitent du gouvernement conservateur, élu en 2006, pour défendre leurs positions auprès du Premier ministre, Stephen Harper, et de certains députés conservateurs, eux-mêmes chrétiens évangéliques. Hors du Canada, le nom de Stephen Harper est relativement peu connu. Je suis certain que peu de Français connaissent le nom du premier ministre canadien, et encore moins son bord politique. Harper, c’est ce grand monsieur qu’on voit au journal télévisé lors des conférences internationales, et dont on se demande systématiquement de qui il peut bien s’agir. Au Québec, où Harper n’est pas vraiment en odeur de sainteté, il est décrit comme un homme froid et sans charisme.
Harper est lui même Chrétien évangélique. J’avais rencontré à Montréal le pasteur qui l’avait marié et qui était à l’époque pasteur temporaire dans une Eglise pentecôtiste chinoise. Le documentaire de RDI explore deux pistes: comment des groupes évangéliques tentent d’infléchir la politique intérieure, notamment sur des questions comme l’avortement, et comment ils font pression sur la politique étrangère canadienne, en particulier en ce qui concerne le conflit israélo-palestinien. A travers ces deux thèmes (enjeux de société et attitude envers Israël), on retrouve les deux piliers de l’engagement politique des Chrétiens fondamentalistes américains (voir les deux excellents livres de Sébastien Fath, Dieu bénisse l’Amérique ou Militants de la Bible aux Etats-Unis).
Le documentaire de RDI ne proposait pas une analyse générale de ce « lobbyisme chrétien », mais suivait le travail de Faytene Kriskaw, la fondatrice et directrice de My Canada , une organisation de jeunesse chrétienne. Cette dernière est installée à Ottawa où elle s’attache à « vendre » son programme auprès des parlementaires conservateurs. On apprend ainsi que Faytene Kriskaw fut une ardente défenseure d’un projet de loi, la « loi de Roxanne », déposé par le député conservateur Rod Bruinooge. Le projet fut intitulé du nom d’une jeune fille de Winnipeg, enceinte, assassinée par son petit ami. Selon le député, elle fut assassinée car elle refusait de se faire avorter. Si la loi avait été adoptée, il aurait été illégale d’exercer des pressions auprès d’une femme enceinte pour qu’elle avorte. Si Bruinooge s’est défendu de proposer une loi anti-avortement, plusieurs députés y virent les prémisses d’une « stratégie du coin » : plutôt que d’attaquer frontalement l’avortement, certains conservateurs prenaient des chemins détournés. Le jour du vote de la loi au parlement, le documentaire rappelle que dans les tribunes des visiteurs, une trentaine de chrétiens, dont Faytene Kriskaw, sont présents à la tribune des visiteurs.
Pour en savoir plus sur le rôle de certains groupes évangéliques dans la vie politique canadienne, je vous renvoie au livre de la journaliste Marci McDonald, The Armageddon Factor: The Rise of Christian Nationalism in Canada, publié l’an dernier, et pas encore traduit. Le livre se fonde sur une enquête conduite par McDonald en 2006, et parue dans la revue Walrus sous le titre : “Jesus in the House: is the Religious Right Taking Over Stephen Harper’s Government?”. Le travail de Marci McDonald est d’autant plus passionnant que les travaux sur le rôle des Chrétiens évangéliques dans la vie politique américaine sont légions, et qu’on connaît très peu ce qui se passe de l’autre côté de la frontière.
Affaire à suivre de très près.