En France, c’est devenu sport national que de railler les « accommodements raisonnables » (AR) québécois, en parlant notamment d' »accommodements DÉraisonnables », expression d’Élisabeth Lévy (il me semble) du site Causeur , repris par Eugénie Bastié sur ce même site. Le problème est que ceux qui en parlent n’y connaissent manifestement pas grand choses: ainsi, Eugénie Bastié, dans sa chronique, affirme ainsi sans problème: « Confrontés aux problèmes engendrés par un multiculturalisme de fait, les Québécois ont inventé un modèle intermédiaire de laïcité qui sera formulé dans le rapport Bouchard-Taylor de 2007 sous le nom d’« accommodements raisonnables » ». Et bien non! Il est certain qu’il est tentant d’attribuer la paternité de la notion au philosophe Charles Taylor, un des pères du multiculturalisme politique, histoire de la dénoncer du même coup, mais les AR n’ont pas seulement rien à voir avec la commission Bouchard-Taylor, mais en plus, ils ne concernent pas spécifiquement la diversité culturelle.
Je rappelle seulement que la notion d’AR est une notion juridique, apparue dans le droit du travail, et qui devait permettre de rendre inclusives les entreprises, en particulier pour les personnes handicapées. Ainsi, si votre entreprise déménage dans un local situé à un étage, qu’il n’y a pas d’ascenseur dans le bâtiment, et que vous êtes en fauteuil roulant, vous pouvez demander un aménagement qui constitue un exemple d’AR.
Les commentateurs français oublient par ailleurs que la notion d’AR ne se comprend pas sans son corollaire, la notion de « contrainte excessive ». En effet, toutes les demandes formulées ne sont pas légitimes et il ne suffit pas de se présenter comme membre d’une minorité pour avoir droit à un aménagement. La notion de « contrainte excessive » permet à l’employeur ou à l’organisation concernée (une école, par exemple) de motiver un refus d’accommodement, au titre que ce dernier irait à l’encontre du bon fonctionnement de l’entreprise. Par exemple, une PME pourra arguer qu’un accommodement demandé est trop coûteux au regard de ses propres ressources.
Pour en savoir plus sur la laïcité québécoise je recommande les ouvrages de la sociologue québécoise Micheline Milot.