J’ai la chance d’habiter Outremont un arrondissement de Montréal qui associe des populations diverses, notamment des juifs hassidiques. Si ce terme ne vous dit rien, un petit tour sur la notice Wikipedia, « hassidisme« , vous renseignera amplement. Il existe également un « que sais-je? »fort bien fait, écrit par Julien Bauer, qui vous permettra d’en savoir davantage. Des juifs hassidiques ont également créé un site internet: outremonthassid.com.
Vus de l’extérieur, les hassidiques semblent former une communauté homogène, alors même qu’il s’agit d’un univers fragmenté et composé de communautés multiples. Dans le quartier d’Outremont, on les repère aisément à leur style vestimentaire, notamment au moment du Chabbat. Leur présence se traduit également par des lieux communautaires, tels des synagogues et des écoles ou des bibliothèques d’études. Cette présence ne va d’ailleurs pas sans problème, et des controverses éclatent régulièrement. Il leur est généralement reproché de ne pas respecter le « règlement de zonage », c’est-à-dire les règles en matière d’urbanisme.
Mais cette présence dans le paysage urbain possède des temporalités spécifiques et une géographie des hassidiques dans Outremont s’accompagne nécessairement d’une prise en compte de ces temporalités. Entre le 19 et le 27 septembre, les Juifs célèbrent la « fête des cabanes« , Hag haSoukkot en hébreu. À cette occasion, les familles construisent des cabanes, les « soukkah » dans lesquelles la famille se réunit à l’occasion des festivités qui s’étalent sur plusieurs jours. Les soukkah répondent à des normes de construction bien précises ce qui explique qu’elles se ressemblent dans la forme ou les matériaux. La taille peut varier en fonction de l’espace disponible. Elles sont généralement construites sur les terrasses et témoignent d’une forme d’appropriation originale de l’architecture résidentielle montréalaise.
À partir des observations dans le quartier, j’ai établi une typologie en trois classes:
– les soukkah construites sur des balcons qui donnent directement sur la rue (voir les deux photos ci-contre). Ce sont elles qui offrent le plus de visibilité et intriguent les résidents qui ne seraient pas au courant de la fête en cours. Mais il s’agit d’une visibilité paradoxale : si la soukkah est bien visible, son intérieur demeure caché aux regards extérieurs.
– les soukkah construites sur des balcons, mais dans les ruelles (voir les deux photos ci-contre). C’est le cas le plus fréquent,et dans certaines ruelles, on en compte des dizaines. Ces soukkah sont particulièrement intéressantes car elles témoignent d’un des nombreux usages des ruelles montréalaises et se fondent particulièrement bien dans des espaces morphologiquement hétérogènes. Quand on se promène dans les ruelles montréalaises on est frappé par l’impression d’accumulations anarchiques de matériaux et du manque de cohérence. De ce point de vue, les soukkah se fondent dans le décor
– les soukkah construites sur des terrasses de maisons individuelles et qui peuvent parfois être de grande traille. Sur l’image ci-contre on voit que la soukkah respecte le caractère ordonné de l’environnement, bien loin de ce que l’on peut observer dans les ruelles.