Des sites internet d’information comme Actuchretienne et des blogs de chercheurs comme celui de l’historien et sociologue Sébastien Fath ont abordé la question du vote évangélique à l’occasion des élections municipales. Deux remarques à ce propos:
– La question de l’ancrage local: j’avais montré dans mon doctorat la non coïncidence géographique entre la localisation des églises et celles des fidèles, de sorte que le cas évangéliques – notamment en Seine-saint-Denis – illustre parfaitement l’opposition bien connue en sociologie des religions entre la paroisse et la congrégation. Dans un cas, c’est le territoire local qui fonde l’appartenance à la communauté, dans l’autre, ce sont des affinités et des caractéristiques sociales qui la commandent. Dans les enquêtes auprès de fidèles de plusieurs Églises de la Saine-Denis et de communes contigües j’avais été frappé de constater que peu de fidèles résidaient dans la commune du lieu de culte. Ceci est particulièrement vrai pour les communautés qui disposent de peu de marge de manoeuvre pour trouver un local ou qui sont conduites à régulièrement déménager. On comprend aisément que ceci a des conséquences directes sur le vote aux élections municipales: difficile créer un mouvement d’adhésion autour d’un candidat quand les membres de l’assemblée habitent dans une quinzaine de communes de l’île de France.
– Les stratégies pragmatiques: à l’issue de mon travail de terrain (évidemment, il serait bon que je me replonge dans la situation parisienne) j’avais l’impression que les évangéliques adoptaient peu à peu une attitude pragmatique. Ainsi, la pasteure d’une des principales églises de La Courneuve m’avait expliqué que le maire sortant était venu prendre la parole devant l’assemblée au cours de la campagne électorale de 2008. Les autres candidats n’avaient pas eu cette opportunité. Bref, les évangéliques ne se présentent plus seulement comme des croyants qui veulent oeuvrer sur un territoire, mais avant tout comme des électeurs. Et les élus locaux sont généralement sensibles à cet élément. Par ailleurs, un travail de recherche sur le vote évangélique devrait impérativement distinguer le vote de conviction du vote instrumental, calque de la distinction en éthique entre déontologisme et conséquentialisme: si dans le premier, on agit en vertu de principes a priori, détachés du contexte de l’action, dans le second, on s’intéresse d’abord aux conséquences réelles ou potentielles de l’action en cours. Ainsi, pour en revenir à la question du vote, il serait intéressant de voir dans quelle mesure, au cours d’élections locales, les (responsables) évangéliques donnent la priorité à des positionnements idéologiques de parti (sur des questions de société comme l’avortement, le mariage pour tous, la fin de vie, etc…) ou à des bénéfices qu’ils peuvent retirer à court ou moyens termes de l’élection de tel ou tel candidat.