Comme l’a si bien montré David Lodge dans son roman Un tout petit monde (Small World) les colloques et les conférences sont en partie (et en partie seulement!) des prétextes à voyager. Actuellement à Chicoutimi pour le colloque de la dynamique Société québécoise pour l’étude de la religion (SQER), enchâssé dans la conférence annuelle de l’ACFAS, j’ai eu l’occasion de dîner (« déjeuner » pour les Français) dans un « food court » intégré à un centre d’achat non loin de l’université. Le nom du centre d’achat, Place du Royaume, prometteur quant à sa dimension religieuse, m’a tout de suite fait pensé aux « salles du Royaume » des Témoins de Jéhovah.
Au moment de me rendre à la salle de bain (« toilettes » pour les Français) j’ai été surpris de découvrir une église au sein même du centre d’achat. En effet, cette église se situe au bout d’un couloir qui conduit à la salle de bain (image ci-dessous) qui jouxte le « food court ». La présence de l’église est indiquée par un panneau lumineux qui indique « Église Notre dame du Royaume – Centre Dieu », mais également par deux vitaux de part et d’autre de la porte d’entrée.
Ces vitraux introduisent des éléments classiques de l’architecture catholique et permettent d’identifier facilement la présence d’un lieu de culte chrétien. La porte n’ouvre pas directement sur le sanctuaire, mais sur une salle qui occupe une fonction de « sas » entre le centre d’achat et l’église en tant que telle. Un babillard, sur lequel des affichettes sont punaisées, a été accroché à l’un des murs. Au fond de ce sas, une porte communique avec un bureau, la salle Gaston Tremblay (1913-2006).
L’église (voir la photo ci-dessous) s’ouvre sur la gauche de sorte qu’elle n’est pas visible quand on se rend à la salle de bain. L’aménagement intérieur de l’église comporte des éléments classiques: l’autel, la présence du saint Sacrement indiqué par la lumière rouge à côté du tabernacle, des bougies qui peuvent être allumées par les gens de passage et un chemin de Croix (sur le mur du fond, faisant face à l’autel). Le site de l’évêché de Chicoutimi nous apprend que Notre-Dame-du-Royaume a le statut de paroisse érigée canoniquement le 28 mai 1978. La messe y est célébrée du lundi au vendredi à 14 h 30, le samedi à 16h et le dimanche à 11h. Bref, on peut assister à la messe tout en magasinant.
J’ai pris quelques minutes pour discuter avec le diacre en charge de l’accueil. À ma question: « pourquoi une église dans un centre d’achat? », il m’a simplement répondu: « Pourquoi pas dans un centre d’achat? On ne peut pas construire une église au milieu d’un champ et attendre que les gens viennent. Il faut rejoindre les gens là où ils sont ». Et où sont-ils dans le Québec du 2018? Dans les centres d’achat. Par ailleurs il a souligné le fait que les personnes âgées fréquentent beaucoup le centre d’achat et qu’il leur est ainsi facile de se rendre à l’église.
Pressé par le temps, colloque oblige, je n’ai pas eu le temps de prolonger la discussion. Il y a en tout cas là un bel exemple des nouvelles territorialités religieuses dans une société sécularisée.