Attention, ce texte n’est pas un compte rendu de lecture exhaustif de l’ouvrage. Je me suis efforcé d’en dégager les lignes de force structurantes. Davantage qu’un résumé, il s’agit d’un guide de lecture qui introduit à un livre fort intéressant.
Comme tout effort de synthèse l’ouvrage de Jesús Garcia-Ruiz et Patrick Michel est ambitieux. Il faut saluer la volonté des deux auteurs de dépasser une approche uniquement monographique pour proposer une lecture plus générale des Églises néo-pentecôtistes. De ce point de vue, le sous-titre du livre, « de l’action des mouvements évangéliques en Amérique Latine », est trompeur. En effet, les deux auteurs concentrent leur étude sur ce qu’on appelle parfois le Pentecôtisme de la « troisième vague », pour reprendre une périodisation proposée par le théologien américain, Peter Wagner, lui-même acteur engagé de cette troisième vague. C’est par ce terme « que sont désignées les Églises individuelles, postmillénaristes, qui, sur fond de privatisation du religieux, affirment que le royaume de Dieu est déjà de ce monde ; qu’il faut mener une « guerre spirituelle » visant à combattre le diable (…) ; qui développent une « théologie de la prospérité » ; qui pensent que s’insérer dans l’espace public constitue un devoir pour le croyant (…) » (p. 24-25).
Le livre possède plusieurs niveaux de lecture : à un premier niveau, il s’agit d’une description qui rend compte des recompositions internes du paysage évangélique en Amérique Latine, en particulier la montée en puissance de la composante néo-pentecôtiste ; à un deuxième niveau, épistémologique cette fois-ci, il s’agit pour les deux auteurs de voir comment l’absence d’outils d’analyse a longtemps entravé la recherche sur ces mouvements ; enfin, un troisième niveau, analytique, offre une analyse pointue des transformations religieuses dans un contexte de déstabilisation en profondeur des sociétés latino-américaines, pleinement engagées dans le processus de mondialisation. Comme les deux auteurs le précisent dés la première page de l’introduction, ils souhaitent « saisir, dans une perspective résolument théorique, les recompositions du religieux, comme autant d’indicateurs et de modalités de gestion des évolutions que connaissent les sociétés contemporaines, s’appliquant à définir leur rapport avec le mouvement multiforme auquel elles sont confrontées » (p. 6-7). La lecture est donc volontairement « sociopolitique », en opposition avec une approche « par le seul religieux » que les deux auteurs présentent comme non pertinente pour comprendre les mutations en cours. Lire la suite