Comme l’a si bien montré David Lodge dans son roman Un tout petit monde (Small World) les colloques et les conférences sont en partie (et en partie seulement!) des prétextes à voyager. Actuellement à Chicoutimi pour le colloque de la dynamique Société québécoise pour l’étude de la religion (SQER), enchâssé dans la conférence annuelle de l’ACFAS, j’ai eu l’occasion de dîner (« déjeuner » pour les Français) dans un « food court » intégré à un centre d’achat non loin de l’université. Le nom du centre d’achat, Place du Royaume, prometteur quant à sa dimension religieuse, m’a tout de suite fait pensé aux « salles du Royaume » des Témoins de Jéhovah. Lire la suite
Réfugiés syriens pris en charge par des Églises: la délicate question des conversions
Le quotidien québécois Le devoir a récemment publié un article intitulé « Réfugiés dans les bras de Dieu » qui pose la question de la prise en charge de réfugiés syriens par des Églises, principalement évangéliques. En effet, à Montréal, nombre de communautés chrétiennes se sont fortement mobilisées pour offrir des services de premières nécessités aux centaines de réfugiés que le Québec accueille depuis la fin de l’année 2015. Or, l’article s’interroge sur la sincérité de cette prise en charge. Pour le dire vite, certaines Églises en feraient le premier pas vers la conversion de ces réfugiés de confession musulmane.Lors de l’entrevue avec la journaliste, cette dernière avait presque l’air choquée – du moins ce fut mon sentiment – par ce travail d’évangélisation (ou de prosélytisme pour prendre un terme négativement connoté). Rappelons que ce que j’appellerais les conversions pragmatiques sont bien connues des sociologues des faits religieux et que la conversion n’est pas toujours motivée par des motifs religieux. En revanche, il serait problématique que des Églises fassent de la conversion la condition sine qua non pour recevoir des services sociaux.
La question est complexe et une réponse mesurée exige plus qu’un seul article de journal. Néanmoins, ce dernier a le mérite de poser les termes du débat et… d’évoquer une recherche sur le rôle des Églises évangéliques dans l’intégration sociale et professionnelle des personnes immigrantes et réfugiées que nous entamons sous peu à L’IRIPI.
Article paru dans L’Information géographique
Je viens de publier dans le dernier numéro de la revue L’Information géographique consacré à la religion, un article intitulé « L’encadrement urbanistique des lieux de culte : le pouvoir local à l’épreuve de la diversité religieuse à travers l’exemple de Montréal ». En voici le résumé:
« Alors que la ville occidentale contemporaine apparaît de prime abord comme l’espace de prédilection du processus de sécularisation et, à ce titre, est la scène d’une crise profonde des institutions et des pratiques religieuses, l’exemple de Montréal que nous traitons dans cet article témoigne de l’émergence de dynamiques nouvelles des faits religieux dans l’espace urbain. Nous montrons, en particulier, comment les arrondissements montréalais se saisissent de la question du « zonage religieux » et expérimentent des cadres réglementaires nouveaux. À ce titre, nous proposons l’idée que l’analyse de la production de l’espace religieux doit tenir compte de ces nouveaux dispositifs qui ont pour effet d’orienter les dimensions spatiales des faits religieux dans l’espace urbain ».
Le texte est disponible sur la plateforme Cairn. Si vous n’y avez pas accès, n’hésitez pas à m’en demander une copie.
Où l’on parle de géographie des religions
Vous pouvez télécharger et réécouter l’émission de géographie Planète terre consacrée la cartographie des faits religieux dans le monde. Outre Delphine Papin, docteure de l’Institut francais de géopolitique (Université Paris 8) et cartographe au journal Le Monde, Frédéric Mounier, spécialiste des religions au journal La Croix, vous pourrez entendre ma voix. Compte tenu de petits soucis avec le duplex depuis Montréal (merci Radio Canada!), mon intervention a été sèchement coupée à la 45ème minute.
Les enjeux du zonage religieux
Un site au ralenti
Voici bien longtemps que je n’ai rien ajouté sur ce blog; ce n’est pas faute de matière, mais davantage faute de temps. En effet, depuis juin 2014 je suis chercheur dans un institut de recherche, l’IRIPI, affilié au Collège de Maisonneuve, à Montréal. Mes thèmes de recherche ne portent plus sur le religieux, mais sur l’intégration professionnelle des immigrants au Québec.
Malgré tout, je continue à me passionner pour les Chrétiens évangéliques, et notamment à leurs manières d’investir les espaces urbains contemporains. Dans les semaines à venir, j’espère trouver un peu de temps pour revenir sur deux ouvrages: When God talks back. Understanding the American Evangelical Relationship with God de l’anthropologue américaine Tania M. Luhrmann (ce que j’ai lu de plus fascinant sur les chrétiens évangéliques dans une approche anthropologique, à égalité avec Language, Charisma and Creativity de Thomas Csordas) et le dernier ouvrage du sociologue américain Robert Wuthnow, Rough Country. How Texas became America’s most powerful Bible-belt State, publié il y a quelques semaines et que je viens tout juste de recevoir.
La Commission des droits de la personne et les lieux de culte
Voici un texte qui a été publié sur le site du Huffington Post Québec.
La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse a rendu public en janvier 2014 un avis important qui porte sur « les règlements de zonage relatifs aux lieux de culte dans l’arrondissement de Montréal-Nord » (l’avis en question est disponible sur le site de la Commission).
Il est expliqué dès l’introduction du document : « le Conseil des leaders religieux de Montréal-Nord formule une demande à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse d’examiner la conformité à la Charte des droits et libertés de la personne des modifications règlementaires suivantes : les modifications apportées au Règlement de zonage en lien avec l’usage des lieux de culte et le remplacement du Règlement relatif aux usages conditionnels ». Lire la suite
« Heaven is for real »: une géographie de l’au-delà
L’actualité cinéma de ces derniers jours m’offre l’occasion de reprendre un brouillon qui date de près de 3 ans. En octobre 2011, les pages littérature du Globe and Mail (quotidien canadien anglophone) indiquaient que l’ouvrage Heaven is for Real caracolait en tête des ventes dans la catégorie « non fiction » depuis 6 mois. Vendredi dernier, l’adaptation au cinéma de cet ouvrage a été pour lui l’occasion de retrouver le haut du classement (voir la page du New York Times): le New-York Times indique que cela fait 111 semaines que le livre occupe les plus sommets!
Le film est sorti vendredi dernier (voir la bande annonce en anglais ci après) sur le territoire américain. De passage à Montpelier, capitale du Vermont, j’ai pu constater que le cinéma local en faisait une large publicité. Le synopsis, qui s’appuie sur une histoire « vraie », est tout simple: au cours d’une opération chirurgicale, Colton, un jeune garçon de 4 ans, fait ce que l’on qualifie généralement d' »expérience de mort imminente ». À son réveil, il raconte à ses parents (son père est pasteur, détail qui a son importance) ce qu’il a vu. Or, son récit comporte des éléments troublants: il est parle avec précision de son grand père décédé 30 ans avant sa naissance, de la fausse couche de sa mère, sait ce que ses parents étaient en train de faire au cours de son opération. Pour ses parents, cela ne fait aucun doute, Colton a visité le paradis et il partage son expérience avec son entourage.
Les évangéliques et les municipales
Des sites internet d’information comme Actuchretienne et des blogs de chercheurs comme celui de l’historien et sociologue Sébastien Fath ont abordé la question du vote évangélique à l’occasion des élections municipales. Deux remarques à ce propos:
– La question de l’ancrage local: j’avais montré dans mon doctorat la non coïncidence géographique entre la localisation des églises et celles des fidèles, de sorte que le cas évangéliques – notamment en Seine-saint-Denis – illustre parfaitement l’opposition bien connue en sociologie des religions entre la paroisse et la congrégation. Dans un cas, c’est le territoire local qui fonde l’appartenance à la communauté, dans l’autre, ce sont des affinités et des caractéristiques sociales qui la commandent. Dans les enquêtes auprès de fidèles de plusieurs Églises de la Saine-Denis et de communes contigües j’avais été frappé de constater que peu de fidèles résidaient dans la commune du lieu de culte. Ceci est particulièrement vrai pour les communautés qui disposent de peu de marge de manoeuvre pour trouver un local ou qui sont conduites à régulièrement déménager. On comprend aisément que ceci a des conséquences directes sur le vote aux élections municipales: difficile créer un mouvement d’adhésion autour d’un candidat quand les membres de l’assemblée habitent dans une quinzaine de communes de l’île de France.
– Les stratégies pragmatiques: à l’issue de mon travail de terrain (évidemment, il serait bon que je me replonge dans la situation parisienne) j’avais l’impression que les évangéliques adoptaient peu à peu une attitude pragmatique. Ainsi, la pasteure d’une des principales églises de La Courneuve m’avait expliqué que le maire sortant était venu prendre la parole devant l’assemblée au cours de la campagne électorale de 2008. Les autres candidats n’avaient pas eu cette opportunité. Bref, les évangéliques ne se présentent plus seulement comme des croyants qui veulent oeuvrer sur un territoire, mais avant tout comme des électeurs. Et les élus locaux sont généralement sensibles à cet élément. Par ailleurs, un travail de recherche sur le vote évangélique devrait impérativement distinguer le vote de conviction du vote instrumental, calque de la distinction en éthique entre déontologisme et conséquentialisme: si dans le premier, on agit en vertu de principes a priori, détachés du contexte de l’action, dans le second, on s’intéresse d’abord aux conséquences réelles ou potentielles de l’action en cours. Ainsi, pour en revenir à la question du vote, il serait intéressant de voir dans quelle mesure, au cours d’élections locales, les (responsables) évangéliques donnent la priorité à des positionnements idéologiques de parti (sur des questions de société comme l’avortement, le mariage pour tous, la fin de vie, etc…) ou à des bénéfices qu’ils peuvent retirer à court ou moyens termes de l’élection de tel ou tel candidat.
Pour comprendre les mutations du catholicisme québécois
L’Office National du Film québécois propose gratuitement de nombreux documentaires sur des thèmes variés, notamment les faits religieux. Parmi ces documentaires, un certain nombre constituent des témoignages historiques et sociologiques du Catholicisme et de ses mutations dans la seconde moitié du 20ème siècle. Tranquillement, pas vite, un documentaire de 1972, offre une plongée dans un monde en pleine transformation et montre comment les acteurs concernés, les fidèles et les religieux, composent avec les changements rapides auxquels ils font face. Dans une perspective géographique, on sera notamment sensible aux discussions au sein de la « fabrique » de l’avenir de l’église devenue trop grande et trop coûteuse pour les paroissiens.
Voici le synopsis:
Tranquillement, pas vite (1re partie) – Que s’est-il donc passé? retrace la désagrégation et la mutation rapides de la religion catholique au Québec. Des paroissiens se réunissent et discutent de l’avenir de leur église, de sa chapelle et de ses services. Le manque de financement est au centre de la discussion, de même que la place accordée aux rassemblements communautaires payants, telles les parties de bingo, et le nombre croissant de prêtres se retrouvant sans emploi.
Tranquillement, pas vite (2e partie) – Communauté de base présente huit mois d’une expérience originale de reconstruction religieuse : celle de la communauté chrétienne de base, sise à Montréal.